La violence éducative ordinaire ou VEO est un phénomène répandu dans de nombreuses sociétés à travers le monde. Il s’agit d’une forme de violence physique ou psychologique exercée sur les enfants par la famille ou des professionnels au nom de l’éducation.
Bien que souvent considérée comme une pratique acceptable, elle peut avoir de graves conséquences sur le développement de l’enfant et plus tard l’adulte. En France, ce n’est que récemment que la loi interdit les violences éducatives ordinaires faites aux enfants (loi du 10 juillet 2019). Cependant, elle perdure encore dans de nombreux foyers et sphères d’activités. Loin de vouloir culpabiliser les parents, cet article a pour objectif de clarifier ce que sont les VEO pour mieux les identifier, de connaitre leurs conséquences et d’avoir des solutions pour les prévenir et en sortir si elles sont déjà installées.
Qu’est-ce que la VEO ?
La violence éducative ordinaire est un concept qui décrit toutes les formes de violences exercées sur les enfants au nom de l’éducation, qu’elle soit physique ou verbale. Cette pratique est souvent perçue comme normale, « ne faisant pas de mal », et parfois même justifiée. Cette violence est dite ordinaire, car elle se vit dans le quotidien de l’enfant, dans sa famille, à l’école, au sport et est acceptée par l’entourage. Elle est de ce fait répétitive.
Identifier les VEO dans le quotidien.
Les VEO physiques
Elles peuvent varier en termes de visibilité, allant des formes les plus évidentes telles que les coups, les gifles ou les fessées, aux formes plus subtiles telles que les secousses, les tapes, les tirages de cheveux, les serrements forts ou le fait d’être retenu. Il est aujourd’hui, plus ou moins admis chez les parents et professionnels que ces gestes brusques, voire violents, sont néfastes et à bannir de l’éducation de l’enfant. Cependant, il n’est pas rare d’assister encore à des scènes de ce genre dans des lieux publics (un parent donne une fessée à son enfant dans un magasin, car il se roule par terre et crie de ne pas avoir obtenu ce qu’il veut).
Les VEO verbales ou psychologiques
Ces VEO, telles que les violances verbales, sont encore très fréquentes dans les foyers, mais également chez les professionnels. Parfois la violence physique se transforme en violence verbale, et celle-ci est encore trop banalisée. L’une des formes les plus visibles est lorsqu’un adulte hurle sur un enfant, générant ainsi de la peur voire de la frayeur surtout lorsque l’enfant est très jeune. Le niveau sonore élevé représente déjà un danger pour lui.
Ensuite, il y a le contenu de ces cris comme des menaces telles que l’enfermer dans le placard ou l’abandonner dans la forêt.
Cependant, il existe un niveau plus subtil de VEO verbales, tel que l’utilisation de phrases dévalorisantes ou humiliantes, comme par exemple « tu es un vilain », « tu es bête », « tu es un cochon dégoutant ». Il peut également s’agir de moqueries, de chantage ou de culpabilisation avec par exemple des phrases telles que « tu fais du mal à maman quand tu fais ça » ou encore « c’est de ta faute si je suis triste ».
Comment savoir si je fais de la VEO ?
Se poser cette question est le premier pas vers le changement. Mais ne vous culpabilisez pas ! La première étape est de reconnaitre que nous sommes tous concernés à un moment ou à un autre, d’avoir recours à des pratiques de VEO. Souvent, nous ne nous en rendons pas compte, car cela fait partie de nos habitudes culturelles.
Pour commencer, demandez-vous si vous utilisez souvent la force physique pour punir votre enfant ou pour obtenir quelque chose de lui.
Ensuite, réfléchissez à la façon dont vous communiquez avec votre enfant. Est-ce que vous lui criez souvent dessus ? Avez-vous des paroles agressives ou dévalorisantes ? Est-ce que vous le critiquez souvent ?
Enfin, considérez comment vous traitez les émotions de votre enfant. Est-ce que vous minimisez ou ridiculisez souvent ses sentiments ou ses émotions ?
Si vous répondez par l’affirmative à ses questions, il est fort probable que vous pratiquiez la VEO.
Pourquoi la violence éducative ordinaire est-elle très répandue dans l’éducation ?
Être parent d’un enfant est difficile
Reconnaissons d’abord qu’élever un enfant peut se révéler compliqué, s’occuper de lui jour après jour (et nuit) n’est pas aussi simple qu’on l’avait imaginé.
- Les enfants ont de fortes émotions exprimées de manière excessive. Elles sont incontrôlables jusqu’à 5-6 ans. Or, voire son enfant, hurler, crier, se rouler par terre, jeter des objets, taper violemment quelqu’un est parfois difficile à supporter surtout quand ça se répète ou que ça dure. Les parents souhaitent alors juste que ce comportement s’arrête d’autant plus quand ils travaillent beaucoup, qu’ils ont des soucis.
- Les enfants ont un haut niveau de vitalité qui s’exprime par le mouvement qui, là aussi difficile est difficile à arrêter de lui-même. Cela peut déranger, excéder les parents.
- Les parents d’aujourd’hui sont beaucoup plus isolés qu’auparavant. Les évolutions sociétales font qu’ils ont très peu de soutien (les grands-mères travaillent, les grands-parents habitent loin, peu de réseau disponible…).
- Avoir un enfant peut réactiver les blessures de l’enfance des parents.
Quand un parent ne contrôle pas son agressivité physique ou verbale envers son enfant, il est fréquent que cela traduise la présence d’un traumatisme. L’enfant devient dans certaines situations un déclencheur des évènements traumatiques. Ces excès émotionnels génèrent souvent de la honte pour le parent une fois la tempête passée. Il s’en veut et tente de l’oublier.
L’adulte reproduit l’éducation qu’il a reçue
La coercition, basée sur un rapport de force, est depuis longtemps le moyen principal utilisé dans l’éducation des enfants. Elle se répète de génération en génération, car nous appliquons ce que nous connaissons, ce qui est partagé culturellement.
L’enfant est vulnérable.
La vulnérabilité de l’enfant rend plus facile l’expression de la violence en général, car il n’a pas les moyens psychiques et physiques de se défendre ou de fuir. Il peut être l’exutoire de l’adulte qui vit des frustrations dans son travail par exemple. Il n’aura pas de répondant en face, car l’enfant est attaché à son parent quoiqu’il fasse.
L’ignorance des conséquences des VEO
Ne pas connaitre les effets des VEO sur l’enfant favorise ces attitudes négatives. Bien que les recherches sur les effets psychologiques des VEO sur les enfants ont commencé dans les années 1960-1970, elles ont surtout pris de l’ampleur dans les années 1990-2000. Quant aux recherches neurobiologiques, elles sont plus récentes. Les résultats les plus significatifs sont apparus ces dernières années. C’est donc tout nouveau pour les parents de commencer à être vraiment informés.
Quelles sont les conséquences de la VEO ?
Sur les enfants.
Les conséquences de la VEO sur les enfants sont nombreuses et peuvent être graves. Les enfants qui subissent des VEO ont tendance à développer une image négative d’eux-mêmes et ont des difficultés à établir des relations sociales saines. Ils peuvent également souffrir de troubles de l’attachement, d’anxiété, de dépression et de troubles du comportement comme de l’automutilation. Ils peuvent aussi développer des troubles de l’apprentissage.
Parce que les VEO sont répétitives, elles peuvent créer de véritables traumatismes. En effet, il y a deux façons d’être traumatisé, soit par un évènement unique très violent et très négatif soit par la répétition de situations perturbantes (mais pas de manière excessive). Les VEO correspondent complètement à la deuxième situation.
Enfin, l’enfant soumis a des VEO apprend et enregistre la normalité de ce fonctionnement, c’est-à-dire que celui ou celle qui a une position d’autorité a le droit de le dévaloriser, de se moquer, de lui crier dessus, de le bousculer …
Sur les adultes qu’ils deviendront
Toutes les VEO vécues pendant l’enfance sont enregistrées dans la mémoire et influencent le développement de la personnalité de l’individu. Lors de thérapie, il est fréquent de voir combien les VEO ont eu et ont encore un impact sur la vie de l’adulte. Ils peuvent reproduire les comportements qu’ils ont vécus petits envers leurs propres enfants ou envers des personnes vulnérables. La VEO contribue ainsi à la perpétuation d’un cycle de violence intergénérationnelle.
Sur la société
Quand les VEO sont banalisées et acceptées par le plus grand nombre et qu’elles sont même érigées comme une valeur, c’est une société tout entière qui fonctionne à partir de la violence considérée comme quelque chose de normal. Les relations interpersonnelles sont alors vécues le plus souvent sur ce registre autant dans les relations familiales que professionnelles nourrissant ainsi le mal-être général de la population.
Comment prévenir la VEO ?
Pourquoi attendre que les choses soient compliquées avec votre enfant pour commencer à vous informer ? Être parent est souvent très idéalisé alors que la réalité est toute autre. Je vous suggère, dès la grossesse, de chercher des informations sur toutes les étapes qui vont suivre comme l’accouchement (se préparer à vivre une césarienne est important), le sommeil du bébé puis la phase des deux ans qui sont toutes des étapes cruciales qui nécessitent que les parents soient concrètement informés et préparés. Je conseille aussi de ne pas hésiter à commencer une psychothérapie surtout si vous avez eu une enfance douloureuse. Quand c’est le cas, le parent tente souvent de réparer l’enfant qu’il a été à travers son propre enfant. Mais cela ne suffit pas et tôt ou tard, les blessures réapparaissent.
Comment arrêter la VEO ?
S’il vous apparait que vous pratiquez des VEO sur votre enfant, il est important de trouver du soutien et de l’aide. Parlez à un adulte en qui vous avez confiance, comme un ami, un parent, un professionnel. Ne restez pas isolé. Ne croyez pas que chez les autres tout va bien, que vous êtes le seul parent à qui cela arrive.
Sachez qu’il existe des moyens pour sortir de cette situation.
Voici la liste des lieux où vous pouvez avoir du soutien :
- La PMI (Protection maternelle infantile) de votre secteur. Vous pourrez être reçu par une infirmière en individuel. Elle vous donnera aussi d’autres ressources sur votre secteur.
- Les MJC organisent souvent des ateliers pour les parents.
- Il existe des lieux d’accueil parent-enfant (0-3 ou 6 ans) animés par des professionnels. (Lieux informels où les enfants jouent et où les parents peuvent discuter avec les professionnels).
- Consultez un psychologue formé à la thérapie familiale.
- Obtenez mon programme « Vivre sereinement la phase d’opposition » afin de découvrir des outils pragmatiques et faciles à mettre en place afin que les moments de tensions et de conflits avec votre enfant (de 18 mois à 4 ans) se résolvent sans violence.
Pour conclure, il est essentiel de promouvoir une culture de l’éducation sans violence. Nous pouvons tous jouer un rôle en sensibilisant les autres aux effets néfastes de la VEO et en encourageant les parents et les adultes responsables à adopter des méthodes d’éducation positives et non-violentes. Nous pouvons tous contribuer à protéger les enfants qui sont les adultes de demain à leur offrir un environnement sûr et aimant pour grandir.
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